L'Invitée des « Echos du CREFECO »
Maria DONEVSKA Correspondant national de la Francophonie
Ministère des affaires étrangères (Bulgarie)
CREFECO : Comment se porte la Francophonie en Bulgarie ?
Maria DONEVSKA : La Francophonie, elle se porte très bien en Bulgarie avec les 67 lycées bilingues, les six filières francophones dans les écoles supérieures, l’Ecole doctorale auprès de l’Université technique, l’Ecole doctorale de droit européen à l’Université de Sofia, les chaires francophones auprès des universités de vocation humanitaire, l’Institut francophone d’administration et de gestion qui est un pôle d’excellence et un pôle de solidarité francophone et qui a déjà formé environ 1000 étudiants de 24 pays, sa gloire sortant bien au-delà de la région des PECO. Et avec le CFEFECO bien sûr dont les huit formations par an ont renforcé le potentiel des enseignants de la région et augmenté leur enthousiasme pour la mission noble de l’enseignement de la langue française qui prépare les jeunes pour le nouveau monde et la culture de démocratie, de tolérance, de solidarité et de dialogue nécessaire pour qu’il soit bâti. Deux colloques internationaux organisés par ce centre ont sensibilisé les intellectuels et les jeunes aux atouts de la langue française et les ouvertures sociales qu’elle facilite.
D’autre part la Francophonie institutionnelle en Bulgarie est forte, constante et bien motivée et vous avez eu l’occasion de le sentir le 20 mars, la Journée internationale de la Francophonie. La Délégation permanente de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire francophone a organisé une conférence politique, le Ministère des Affaires étrangères a été très présent dans la célébration aussi, comme il l’est dans le travail francophone quotidien côte à côte du Ministère de l’Education, de la Jeunesse et de la Science, le Ministère de la Culture et toutes les autres institutions bulgares qui détiennent des dossiers francophones de différents volets, celles-ci formant la Commission interministérielle de la Francophonie que le Ministre des Affaires étrangères préside. Vous n’êtes pas sans savoir, je suppose, que la Bulgarie participe au Programme de la langue française dans la diplomatie et l’administration publique internationale de l’OIF (le Mémorandum entre le Gouvernement de la République de Bulgarie, l’OIF, la France, la Délégation Wallonie-Bruxelles et le Luxembourg a été signé par le Ministre des affaires étrangères S.E.M. Nickolay MLADENOV le 2 juillet 2010) et par conséquent 1500 fonctionnaires apprennent ou perfectionnent leur français dans la perspective de renforcer les positions de cette langue au sein des organisations internationales. Par ailleurs le premier Mémorandum en a préparé 2000. Il y a un essor francophone dans la société civile sur le terrain, facilité par ledit Programme, mais aussi par la présence renforcée de la Francophonie dans l’espace public grâce à notre ambition que les Ambassades francophones, et dernièrement le Groupe des Ambassadeurs francophones constitué en 2011, encouragent beaucoup.
CREFECO : Quels sont les chantiers prioritaires sur lesquels la Bulgarie entend œuvrer au sein de l’OiF ?
Maria DONEVSKA : La Bulgarie est très présente à l’OIF et à ses instances. Elle a pris une part active dans le débat institutionnel de l’Organisation, soulignant l’importance du mariage heureux entre la dimension linguistique et la dimension politique de son action, la première lui permettant de se consacrer à la préparation des jeunes à œuvrer pour un monde où les valeurs de la Francophonie telles la démocratie, les droits de l’homme, la paix, la tolérance, la diversité culturelle, linguistique et religieuse, le sentiment de responsabilité envers notre logement commun, la Terre, seront respectées sans condition, la deuxième augmentant la visibilité et le poids de la Francophonie sur la scène géopolitique pour qu’elle puisse mieux affirmer ces valeurs à l’échelle internationale.
L’action politique occupe énormément notre attention (la Bulgarie a été Vice-président de la Commission politique de l’OIF de 2008 à 2010) – nous suivons les processus de transition vers la démocratie dans l’espace francophone, les opérations d’accompagnement de processus électoraux, participant souvent aux missions d’observation de leur déroulement. Le Ministère des Affaires étrangères a organisé deux éditions de Sofia-plateforme – un forum d’échange d’expertise sur les processus de transitions à la démocratie pour que les démocraties émergentes de notre espace puissent s’enrichir de l’expérience des PECO et en éviter éventuellement les erreurs ; une troisième édition est en train de se préparer.
Deux colloques internationaux sur la liberté de l’expression et la régulation des média organisés ces dernières années conjointement avec la DDHDP témoignent aussi de notre attachement au chantier politique et nous poursuivrons les efforts dans cette direction, reflétée par la mission B de l’OIF.
La réponse à votre première question illustre (d’une manière schématique bien sûr) notre concentration sur la langue française et l’éducation, c’est-à-dire sur les missions A et C de l’OIF. IL faut souligner la parfaite coopération avec l’AUF qui est en train de s’approfondir. Aussi devrions-nous ajouter la diversité culturelle qui fait partie de la mission A. La Bulgarie est parmi les premiers pays qui ont appuyé la proposition de l’OIF d’élaborer la Convention de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles et a beaucoup contribué au processus de son adoption par la Conférence Générale de l’UNESCO en 2005. La Convention a été ratifiée par l’Assemblée Nationale de la République de Bulgarie le 22 novembre 2006. La Bulgarie est membre du Comité intergouvernemental et œuvre pour le suivi et la mise en application correcte de la Convention.
Toutes les questions de la Mission D qui est celle du développement durable, mobilisant de plus en plus la communauté internationale, nous intéressent également et nous participons aux concertations francophones organisées dans le cadre des enceintes internationales. La réponse à la deuxième question (ainsi qu’à la première d’ailleurs) peut occuper beaucoup de pages. Essayant d’être brève, je ne manquerai pas de vous dire que le Représentant personnel du Président de la République, l’Ambassadeur de la Bulgarie à Paris S.E.M. Marin Raykov est Président du Comité ad hoc sur les adhésions et sa participation au débat institutionnel et politique de l’Organisation est incontournable. Tout ceci étant dit, je tiens à vous rappeler que la Bulgarie est un facteur pour la dynamique francophone de la région des PECO et a l’ambition de continuer à œuvrer pour l’approfondissement de la coopération entre les pays de la région tout en cherchant à faire avancer et à enrichir celle avec les autres régions. Je profite de l’occasion pour remercier l’OIF et ses opérateurs pour l’appui précieux qu’ils nous accordent, ainsi que nos partenaires – la France, la Délégation Wallonie-Bruxelles et la Belgique, le Luxembourg, la Suisse et le Canada, pour leur appui à titre bilatéral.
CREFECO : Quels sont vos auteurs francophones préférés ?
Maria DONEVSKA : Les auteurs francophones ? Ceux qui proviennent de pays membres de l’OIF ou qui s’expriment en français ? Dans les deux cas c’est énorme. Je regrette par exemple la disparition récente de Mme Wislawa Szymborska, une grande poétesse polonaise. J’aime la poésie de Mme Vénus Khoury-Ghata, poétesse d’origine libanaise, de Mme Claudine Helft, d’origine française, et de M. Moustapha Chelbi - d’origine tunisienne. J’aime les textes dramaturgiques, je relis souvent (quand la diplomatie m’en laisse le temps) les pièces de théâtre de Beckett, de Ionesco, d’Anouilh, de Cocteau et de Sartre ou de Camus, j’ai aimé des textes de Yasmina Reza ou d’Olivier Pie. Jean-Marie-Gustave le Clézio avec sa prose aux étincelles poétiques puisée hors du temps, les historiens Max Gallo et Evelyne Lever, bien sûr tant d’autres noms, si on retourne aux classiques. Mentionnons le diplomate Jean-François Parot qui a trouvé l’inspiration pour ses premiers romans sur le Commissaire Nicolas Le Floch à Sofia et Monsieur Louis Aragon auquel je dois beaucoup et qui disait : « Il fait beau, mon amour, dans la vie, les mots et la mort. Il fait beau dans l’amour. Si beau, si bleu, si pur et si profond que c’en est à se perdre. »